Atlas Social de Caen

De l'agglomération à la métropole ?

Inadaptée, l’offre commerciale alimentaire pour les étudiants caennais contribue-t-elle à leur insécurité alimentaire ?

par Léna Jégat et Morgane Esnault

planche publiée le 26 mars 2024

Dans le contexte de pandémie de Covid-19, suivie de l’inflation générale des prix de consommation, la question de la précarité alimentaire a été mise sur le devant de la scène depuis près de trois ans. En raison de la longue fermeture des universités et de la perte des emplois des étudiants, comme par exemple dans le secteur de la restauration où les mesures sanitaires étaient contraignantes, les étudiants ont été particulièrement concernés. A Caen, diverses distributions alimentaires ont été organisées sur les campus, en parallèle des mesures nationales comme le repas en restaurant universitaire à un euro.

 Photo 1 : Le restaurant universitaire du campus 1 de l’Université de Caen Normandie.

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Crédits : Jégat L.

Une offre alimentaire inégalement répartie au sein de la commune

1Le croisement entre offre commerciale locale et identification de la vulnérabilité à la précarité alimentaire, à l’échelle des quartiers, est pertinent pour interroger l’exposition à la précarité alimentaire, en particulier de la population étudiante.

2L’ensemble des commerces alimentaires de l’agglomération a été recensé au printemps 2018. Les commerces de proximité (boucheries, épiceries fines, boulangeries, etc.) étant trop éloignés des pratiques étudiantes (à peine 3 % des étudiants enquêtés en 2021 déclarent s’y approvisionner régulièrement), seuls les supermarchés sont inclus dans l’analyse. Ils sont divisés en trois catégories : les supérettes de proximité comme Coccimarket, Carrefour City ou Casino Shop (points vert clair sur la carte), les grandes et moyennes surfaces (GMS) classiques comme Carrefour, Leclerc ou Intermarché (points vert foncé sur la carte) et les grandes et moyennes surfaces hard-discount comme Lidl, Aldi ou Leader Price (points bleus sur la carte). La représentation cartographique croise tous les lieux d’approvisionnement alimentaire dans un rayon d’un kilomètre, distance jugée adaptée aux mobilités étudiantes. Plus la zone est claire (jaune pâle), plus la densité et la diversité de l’offre commerciale est faible ; à l’inverse, plus la zone est foncée (marron orangé), plus l’offre commerciale est dense et diverse (en lieux d’approvisionnement mais pas forcément en types de supermarchés). Les dispositifs d’aide alimentaire accessibles aux étudiants ont également été recensés pour l’année 2021 (triangles noirs sur la carte).

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Crédits : Jégat L., Esnault M., Pauchard L., Chevalier S.

Figure 1 : Répartition du nombre de supermarchés dans un rayon d’un kilomètre.

Cette carte a été réalisée en croisant des zones de 500 mètres de rayon autour de chaque supermarché recensé (relevés réalisés par les étudiants de géographie). Lorsqu’au moins trois commerces sont situés dans ce rayon, la zone est colorée. Plus la densité de commerces est importante, plus la couleur est foncée. Les points correspondent aux commerces : supérettes, grandes et moyennes surfaces (GMS). Les triangles représentent les dispositifs d’aide alimentaire (distributions de colis alimentaires, épiceries solidaires, maraudes, etc.) accessibles aux étudiants.

Photo 2 : Un restaurant proche du campus 1 propose une réduction de 10 % aux étudiants.

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Crédits : Jégat L.

Des déserts alimentaires pour les étudiants ?

3La densité d’offre commerciale est la plus importante dans les quartiers du centre-ville de Caen, mais celle-ci est principalement caractérisée par une multitude de supérettes dont les produits alimentaires sont plus onéreux. Au sein des quartiers centraux, où la population étudiante est particulièrement représentée (forte proximité du campus 1 et structure de l’offre locative), il n’y a que le supermarché Monoprix, dont les prix ne peuvent pas être qualifiés d’accessibles. Les supermarchés les plus proches sont situés dans des quartiers plus excentrés (Leclerc Lanfranc, Carrefour Côte de Nacre), contraignant les étudiants à s’éloigner de leurs quartiers pour accéder à une offre moins onéreuse.

4Les quartiers du nord de la commune, où une large partie de la population étudiante réside, à proximité des campus 2, 4 et 5 (filières sciences, techniques et santé), font état d’une offre commerciale très réduite et constituent donc une forme de désert alimentaire, caractérisé par la faiblesse de l’offre (moins de trois structures) et de sa diversité (uniquement des grandes et moyennes surfaces). De même, dans les quartiers aux alentours du campus 1 (principalement marqués par les étudiants de sciences humaines et sociales), l’offre commerciale est quasiment inexistante. Sur ce campus, l’une des plus grandes cités universitaires caennaise y est implantée (1 073 chambres ou studettes au nord du quartier Université). Cette dernière propose un équipement de cuisine très réduit, ce qui ne permet pas de cuisiner des produits bruts.

5Enfin, les quartiers de l’Est caennais (Pierre Heuzé et avoisinants) demeurent relativement peu dotés en offre commerciale (surtout influencée par la proximité de la commune d’Hérouville-Saint-Clair). Ainsi, plus la population étudiante est importante, moins l’offre commerciale apparait diversifiée et adaptée à cette population. De même, en dehors de l’épicerie sociale étudiante (implantée au sein de la cité universitaire du campus 1), les structures de l’aide alimentaire sont localisées dans les espaces périphériques (souvent les quartiers les plus populaires), et sont difficilement accessibles par les étudiants.

Photo 3 : La cafétéria « La parenthèse » du Campus 1 de l’Université de Caen Normandie.

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Crédits : Jégat L.

6La précarité de la population étudiante caennaise, renforcée par les difficultés relatives à la résidence au sein de quartiers où l’offre alimentaire est la moins dense et diversifiée, ainsi que la faiblesse de cette dernière à proximité immédiate des campus (hors des lieux de restauration affiliés au CROUS), vient donc reposer la question centrale des aides financières mises à disposition de cette population : selon l’INSEE (2021), près de 10 % des personnes ayant recours à l’aide alimentaire sont des étudiants.

Pour citer ce document

Léna Jégat et Morgane Esnault, 2024 : « Inadaptée, l’offre commerciale alimentaire pour les étudiants caennais contribue-t-elle à leur insécurité alimentaire ? », in Atlas Social de Caen [En ligne], ISSN : 2779-654X, mis à jour le : 26/03/2024, URL : https://atlas-social-de-caen.fr:443/index.php?id=1228, DOI : https://doi.org/10.48649/asdc.1228.

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Résumé

Dans le contexte de pandémie de Covid-19, suivie de l’inflation générale des prix de consommation, la question de la précarité alimentaire a été mise sur le devant de la scène depuis près de trois ans. En raison de la longue fermeture des universités et de la perte des emplois des étudiants, comme par exemple dans le secteur de la restauration où les mesures sanitaires étaient contraignantes, les étudiants ont été particulièrement concernés. A Caen, diverses distributions alimentaires ont été organisées sur les campus, en parallèle des mesures nationales comme le repas en restaurant universitaire à un euro.

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