Les difficultés scolaires en CP et CE1 au sein de l'agglomération caennaise
par Rémi Rouault et Patrice Caro
Table des matières
Les évaluations de CP-CE1 sont les derniers indicateurs disponibles des difficultés des élèves face aux apprentissages. Elles sont présentées par le Ministère en charge de l’Education Nationale comme un outil d’aide à la programmation individualisée des apprentissages. En conséquence, elles restent confidentielles alors qu’elles sont un indicateur objectif des difficultés rencontrées par les élèves dans l’utilisation de la langue et en mathématiques. Elles permettent de mesurer des écarts de réussite fortement corrélés aux origines sociales des élèves, comme le montre l’exemple de l’agglomération caennaise.
L'évaluation des difficultés scolaires
1Jusqu’au milieu des années 1990, le redoublement scolaire a été l’un des marqueurs de l’échec scolaire, sans pour autant améliorer les compétences des élèves qui le subissaient. Il témoignait de l’importance du retard scolaire. Depuis le début des années 2010, les taux de redoublement de CP comme de CM2 sont inférieurs à 10 %. Le pourcentage d’élèves en retard est relativement stable à l’école élémentaire, et les variations interannuelles sont faibles. Désormais, la perception des difficultés scolaires ne peut se faire qu’à travers les résultats des évaluations nationales.
2Leurs modalités ont varié au cours des dernières années. Leur objectif est de donner aux professeurs des écoles les moyens d’identifier les difficultés de leurs élèves dans les domaines de la maîtrise de la langue française et des mathématiques. L’indicateur retenu pour caractériser les difficultés rencontrées dans les classes est la proportion moyenne de questions auxquels les élèves n’ont pas su répondre.
Crédits : Rouault R., Caro P., Pauchard L., Mellet C.
Figure 1 : Les évaluations en CP et CE1 (année 2018-2019)
*REP : Réseau d'Éducation Prioritaire. Les résultats sont établis, école par école, pour l’ensemble des classes.
Une géographie des écoles assez simple
3Dans le périmètre de l’agglomération caennaise, pour quelques écoles, la réussite est totale : tous les élèves ont réussi l’ensemble des exercices. À l’opposé, dans les situations les plus défavorables, plus de 38 % des élèves sont en difficulté en mathématiques et 22 % en maîtrise de la langue. Si l’on caractérise les écoles par leur secteur de rattachement (privé, public) ou par leur quartier d’implantation (centre-ville de Caen, quartiers périphériques, quartiers prioritaires politique de la ville, réseau d’éducation prioritaire, communes limitrophes ou à distance de Caen), on constate un lien entre la localisation de l’école et les résultats aux évaluations.
4Dans les écoles privées et les écoles publiques du centre-ville de Caen et de quelques communes des banlieues pavillonnaires aisées, moins de 10 % des élèves rencontrent des difficultés en mathématiques, et moins de 5 % en maîtrise du français. En revanche, les élèves des écoles incluses dans un réseau d’éducation prioritaire ou implantées dans un quartier politique de la ville échouent presque toujours à plus de 10 % aux tests de maîtrise de la langue et à plus de 15 % à ceux de mathématiques. Dans quelques écoles de quartiers particulièrement défavorisés, le taux d’erreur approche la moitié en mathématiques et dépasse le quart en maîtrise de la langue, soit un écart de un à deux, voire de un à quatre, avec les écoles les plus favorisées.
Crédits : Rouault R., Caro P., Pauchard L., Mellet C.
Figure 2 : Résultats des évaluations de CP et CE1 au premier semestre 2018-2019.
Des inégalités reproduites de génération en génération
5Une telle répartition des difficultés scolaires est ancienne. Les premières cartes représentant le retard scolaire dans l’agglomération de Caen, réalisées par le géographe Robert Hérin au début des années 1980, montrent la même répartition. Cette situation s’explique en grande partie par la permanence sur la longue durée de la localisation résidentielle des différents groupes sociaux dans l’agglomération. En 40 ans il n’y a guère eu d’évolution, réussites et difficultés scolaires restant très fortement liées aux niveaux de diplôme des parents, à leurs niveaux de qualification et donc à leurs revenus. Suivre et conseiller son enfant dans son travail scolaire est d’autant plus aisé que l’on détient un niveau de diplôme élevé. Malgré les dispositifs et les politiques publiques mis en place, l’école ne réduit pas fortement les inégalités scolaires. En général, le langage utilisé par les enseignants en classe reste en 2020, comme en 1980, plus proche des usages en vigueur dans les familles relevant des classes moyennes et supérieures que dans les autres.
Pour citer ce document
Rémi Rouault et Patrice Caro, 2024 : « Les difficultés scolaires en CP et CE1 au sein de l'agglomération caennaise », in Atlas Social de Caen [En ligne], ISSN : 2779-654X, mis à jour le : 06/06/2024, URL : https://atlas-social-de-caen.fr:443/index.php?id=1231, DOI : https://doi.org/10.48649/asdc.1231.
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