Atlas Social de Caen

De l'agglomération à la métropole ?

Le chômage : des lignes de clivages sans déterminisme simple

par Agnès Checcaglini et Jean-Marc Fournier

planche publiée le 09 juillet 2024

Où habitent les chômeurs caennais et quels sont les secteurs qui concentrent les taux les plus élevés ? Comment la situation a évolué entre 2008 et 2018 ? Comment expliquer les différences de taux de chômage entre les communes, et les quartiers ?

Des tendances de long terme

1Plus que les derniers chiffres du chômage, la carte concernant l’évolution du chômage illustre des tendances de long terme, structurelles, et pointe à la fois des niveaux et des évolutions différenciées dans des secteurs précis de l’agglomération caennaise. Les taux de chômage observés ici correspondent à la part des personnes qui se sont déclarées être au chômage lors du recensement, indépendamment d’une éventuelle inscription officielle à Pôle emploi, parmi l’ensemble des personnes actives. Ces données de l’Insee, issues des recensements de 2008 et 2018 permettent à une échelle locale fine, l’Iris, des comparaisons entre secteurs à une même date, et à dix ans d’écart. Leurs continuités spatiale et temporelle autorisent la comparaison des évolutions.

2En 2018, le taux de chômage disponible pour les 21 communes situées autour de la commune de Caen, pour les actifs entre 15 et 64 ans, est de 15,78 % (ce qui représente presque 15 400 personnes). Ce chiffre global recouvre des réalités contrastées selon les communes. En effet, à Biéville-Beuville le taux est de 7,8 % tandis qu’il dépasse les 19 % à Hérouville-Saint-Clair ou Colombelles, Caen étant à 18 %. Les communes situées à l’ouest ont des taux plutôt plus élevés (Giberville, Mondeville ou Blainville-sur-Orne ont par exemple des taux supérieurs à 13 %) que celles localisées à l’est (Bretteville-sur-Odon, Louvigny et Carpiquet affichent ainsi des taux plutôt proches de 9 %). Cette opposition correspond à des catégories socioprofessionnelles différentes : dans la partie ouest de Caen, les habitants sont globalement plus qualifiés, et donc moins frappés par le chômage. Si les taux de chômage des femmes et hommes se différencient peu, des écarts sont à noter dans la qualité des emplois occupés par les femmes : temps partiel subi, emplois précaires, sous-emploi chronique ou encore emplois peu qualifiés et peu rémunérés.

3Par ailleurs, sur un plus long terme, entre 2008 et 2018, le taux de chômage baisse seulement à Mondeville. Pour toutes les autres communes, le taux de chômage a progressé en moyenne de 16,4 %. Là encore, des différences importantes apparaissent : à Cormelles-le-Royal, ce taux ne progresse que de 10,9 % alors qu’il est de 49,6 % pour Cuverville.

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Crédits : Checcaglini A., Fournier J-M., Mellet C.

Figure 1 : évolution du taux de chômage dans la population active

Le chômage : un révélateur de situations sociales très localisées

4À l’échelle plus fine des Iris, la commune d’Hérouville-Saint-Clair montre bien les lignes de clivages que l’on observe ailleurs : les quartiers à forte concentration de logements sociaux (la Grande Delle, le Val, la Haute-Folie, etc.) ont des taux de chômage compris entre 21 et 25 % tandis que le quartier historique de Montmorency ou le quartier de Lébisey (pavillons pour catégories plutôt favorisées) affiche un taux de 11 % et 10 %. En ce sens, le chômage est un révélateur de situations sociales très localisées.

5Dans les principales communes (Caen, Hérouville-Saint-Clair, Ifs ou Fleury-Sur-Orne) entre 27 et 33 % des chômeurs sont des chômeurs de longue durée (données de Pôle emploi sur les demandeurs d’emploi en fin de mois, depuis plus de deux ans au chômage en 2020). À l’échelle des Iris, les statistiques disponibles montrent que le déterminisme social et géographique est à nuancer. En effet, quelques Iris socialement favorisés ont des proportions de chômeurs de longue durée qui peuvent être élevés (exemple : Jardin des plantes 32,3 %) alors que l’Iris de la Grâce de Dieu Est (quartier populaire) affiche un taux de 24,4 %. D’autres indicateurs doivent être considérés. Par exemple, à Caen et Hérouville-Saint-Clair, la proportion de bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) parmi les chômeurs, est plutôt élevée (29 et 30,3 %) en comparaison avec Fleury-Sur-Orne (19,7 %). Cela peut s’expliquer, par la plus forte proportion de jeunes chômeurs dont le motif d’inscription est une première entrée sur le marché du travail, et ne bénéficiant donc pas de droits au chômage alors qu’ils sont éligibles au RSA. Ces jeunes chômeurs caennais ont aussi des niveaux de formation plus élevés : la proportion de chômeurs ayant des niveaux de formation inférieurs au CAP ou BEP est, par exemple, plus élevée à Fleury-sur-Orne que dans les communes aux alentours.

6Enfin, au-delà des mesures mises en place pour accompagner le retour à l’emploi et favoriser l’insertion professionnelle, l’expérience de Colombelles, où la part des chômeurs de longue durée était de 28 % en décembre 2020, peut être soulignée avec le déploiement depuis 2017, d’une expérience nationale contre le chômage de longue durée pour un créer un « territoire zéro chômeurs ».

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Crédits : Checcaglini A., Fournier J-M., Mellet C.

Figure 2 : taux de chômage dans la population active en 2018

Pour citer ce document

Agnès Checcaglini et Jean-Marc Fournier, 2024 : « Le chômage : des lignes de clivages sans déterminisme simple », in Atlas Social de Caen [En ligne], ISSN : 2779-654X, mis à jour le : 09/07/2024, URL : https://atlas-social-de-caen.fr:443/index.php?id=1259, DOI : https://doi.org/10.48649/asdc.1259.

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Agnès Checcaglini

Économiste et ingénieure de recherche, Université de Caen Normandie, Centre d'Études et de REcherches sur les Qualifications (CEREQ) - centre associé au laboratoire Espaces et Sociétés (ESO)

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Résumé

Où habitent les chômeurs caennais et quels sont les secteurs qui concentrent les taux les plus élevés ? Comment la situation a évolué entre 2008 et 2018 ? Comment expliquer les différences de taux de chômage entre les communes, et les quartiers ?

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