Atlas Social de Caen

De l'agglomération à la métropole ?

Potagers domestiques et autoproduction dans l’agglomération caennaise : une importance sous-évaluée

par Maxime Marie et David Lemarquand

planche publiée le 28 avril 2022

De nombreux travaux de recherche ont été conduits en France sur les jardins familiaux à partir des années 1990. Puis dans les années 2000, l’attention a été portée sur les jardins associatifs et partagés. Mais peu d’études ont concerné les jardins potagers domestiques, c’est-à-dire ceux qui se situent dans les jardins des maisons individuelles. Ce dernier type de jardins est particulièrement difficile à appréhender car aucune base de données institutionnelle ne les identifie. Pourtant, notre recensement répertorie plus de 4 000 potagers domestiques dans l’agglomération de Caen, totalisant près de 28 hectares.

Un inventaire inédit

1Les jardins potagers domestiques de Caen n’avaient jamais fait l’objet d’un inventaire. C’est pour cela nous avons entrepris en 2016 un premier travail de photo-interprétation. À partir des images haute définition de Google Earth, les potagers ont été identifiés dans les jardins privés des maisons individuelles. Leur digitalisation a permis de réaliser un dessin précis et fiable. La numérisation des parcelles a fait l’objet d’une vérification de terrain afin de valider la méthode : la marge d’erreur s’est avérée relativement faible puisque inférieure à 10 %. De plus, les surfaces numérisées sont les plus proches possibles des espaces cultivés. Elles intègrent toutefois des espaces non productifs comme les passe-pieds entre les planches de légumes. Dans certains cas, des espaces non productifs, insérés au milieu des planches, font également partie des espaces retenus (petites zones en herbe, collecteur d’eau de pluie, etc.). En revanche, les cabanes ont été systématiquement exclues de la numérisation et leur surface n’est donc pas comptabilisée.

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Carte : Lemarquand D., Marie M., Mellet C.

Les potagers domestiques de l’agglomération caennaise

2Ces résultats sont liés au profil social de la population : les retraités (en général) et les catégories populaires sont les groupes sociaux les plus enclins à la pratique du potager. Il s’agit de deux catégories nombreuses dans l’agglomération caennaise. Ce constat renvoie aussi à la morphologie urbaine et à la structure du parc de logements puisque l’accès à un jardin est déterminant. Or, selon l’Insee, 33,7 % des ménages résident en maison à Caen (2013).

Potager domestique à Mondeville

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Photographie : Marie M., 2020

Potager domestique à Mondeville

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Photographie : Marie M., 2020

3Le recensement des surfaces potagères montre une répartition géographique assez hétérogène. Toutefois, des régularités apparaissent car la surface des potagers domestiques diminue au fur et à mesure que l’on se rapproche du centre, même si leur concentration peut varier fortement en fonction des quartiers. Les zones péricentrales, correspondant à l’urbanisation pavillonnaire des années 1930, à l’origine occupées par des ouvriers et aujourd’hui en voie « d’embourgeoisement », sont marquées par la présence de fortes densités de potagers de petite dimension (Rive droite notamment). Dans l’Est de l’agglomération (communes de Mondeville et de Colombelles), lieu de résidence privilégiée des catégories populaires et de l’industrialisation de la première moitié du 20e siècle, les potagers sont beaucoup plus densément représentés et de plus grande dimension. Ils occupent d’ailleurs des proportions importantes de la surface des jardins. Enfin, les premières couronnes pavillonnaires, correspondant aux premières vagues de desserrement résidentiel dans les années 1970-80, sont également marquées par la présence en grand nombre de potagers, dans le bâti ancien et comme dans les lotissements pavillonnaires récents (Bretteville-Sur-Odon, Louvigny, Fleury-Sur-Orne ou Ifs).

Une autoproduction de légumes non négligeable

4Ces données interrogent la place occupée par ces jardins dans l’alimentation des habitants qui les cultivent. Il semble que l’autoproduction ait aujourd’hui une importance sous-estimée dans l’approvisionnement des ménages de l’agglomération. Il faut néanmoins prendre en compte la diversité relativement faible des variétés cultivées et la saisonnalité des productions potagères.

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Graphique : Lemarquand D., Marie M., Mellet C.

Répartition des légumes produits par 70 jardiniers de l’agglomération caennaise enquêtés entre 2016 et 2019

5Pour mieux comprendre l’impact de ces jardins, nous avons mené à partir de 2016 une enquête dans l’agglomération auprès de 70 jardiniers. Elle montre que 90 % des jardiniers cultivent des tomates et des salades, 70 % d’entre eux des courgettes et des haricots et plus de 50 % des pommes de terre. Les autres cultures sont nettement plus rares. Pour l’écrasante majorité des jardiniers, le potager reste une activité estivale qui ne contribue réellement à leur alimentation que pendant quelques mois dans l’année. Seuls un peu plus du quart des jardiniers a une production significative pour leur consommation de légumes sur l’ensemble de l’année. Ils cultivent un éventail plus large de légumes (betteraves, oignons, carottes, poireaux, petit-pois, courges et/ou légumes feuilles) et ils ont recours à des techniques de conservation de leurs récoltes (congélation et/ou stérilisation).

Potager domestique à Hérouville-Saint-Clair

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Photographie : Marie M., 2020

Pour citer ce document

Maxime Marie et David Lemarquand, 2022 : « Potagers domestiques et autoproduction dans l’agglomération caennaise : une importance sous-évaluée », in Atlas Social de Caen [En ligne], ISSN : 2779-654X, mis à jour le : 28/04/2022, URL : https://atlas-social-de-caen.fr:443/index.php?id=1078, DOI : https://doi.org/10.48649/asdc.1078.

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Bibliographie

Lemarquand D., 2016, Les jardins potagers urbains privés : une production sociale ? Mémoire de Master 1 de l’Université de Caen Normandie, 97 p.

Marie M., 2019, Estimation de la contribution de la production potagère domestique au système alimentaire local. Enseignements à partir de l’étude des cas de Rennes, Caen et Alençon, VertigO - la revue électronique en sciences de l'environnement, vol. 19, n°2, 28 p., https://doi.org/10.4000/vertigo.26215

Index géographique

David Lemarquand

Responsable projets data et SIG – Hellio

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Cartographe indépendant

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Clément Mellet

Résumé

De nombreux travaux de recherche ont été conduits en France sur les jardins familiaux à partir des années 1990. Puis dans les années 2000, l’attention a été portée sur les jardins associatifs et partagés. Mais peu d’études ont concerné les jardins potagers domestiques, c’est-à-dire ceux qui se situent dans les jardins des maisons individuelles. Ce dernier type de jardins est particulièrement difficile à appréhender car aucune base de données institutionnelle ne les identifie. Pourtant, notre recensement répertorie plus de 4 000 potagers domestiques dans l’agglomération de Caen, totalisant près de 28 hectares.

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