Atlas Social de Caen

De l'agglomération à la métropole ?

La culture du blé tendre en Plaine de Caen à l’horizon 2100 : quel avenir face à l’évolution des conditions climatiques ?

par François Beauvais, Olivier Cantat et Philippe Madeline

planche publiée le 28 janvier 2022

Depuis le milieu des années 1990, les rendements du blé tendre stagnent en Normandie. Deux causes sont avancées : l’augmentation des sécheresses au cours de sa croissance et la multiplication des jours de chaleur survenant en fin de cycle, pendant le remplissage des grains. Dans la perspective de printemps et d’étés plus chauds et plus secs, comment vont évoluer ces rendements dans les prochaines décennies ?

Augmentation des jours de chaleur et moins d’eau ?

1Le croisement de données relatives aux exigences du blé tendre et celles de la modélisation prédictive du climat nous éclairent sur les risques encourus par cette culture en Plaine de Caen. Actuellement, le remplissage en amidon des grains dans l’épi est peu affecté par les périodes de chaleur susceptibles de stopper ce processus. En revanche, en cas d’accroissement continu des émissions de gaz à effet de serre (scénario RCP 8.5 du GIEC) à l’horizon 2100, un cumul de 27 jours de chaleur (température maximale supérieure ou égale à 25°C) contre 7 actuellement est attendu pour les mois de juin et de juillet. Parallèlement, une pluviométrie en diminution de 12 % au printemps et de 30 % en été réduirait l’activité photosynthétique du végétal, et donc sa production. Dans la mesure où ces deux impacts sont fortement redoutés par les céréaliers, les projections climatiques de printemps et d’étés plus chauds et plus secs alimentent des craintes pour l’économie agricole régionale.

La moisson du blé tendre à Anguerny

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Photographie : F. Beauvais, le 2 août 2019

En Plaine de Caen, le blé est semé aux mois d’octobre et de novembre. Cette céréale déroule son cycle jusqu’à la fin du mois de juillet. Elle est récoltée au début du mois d’août. Vulnérable à plusieurs aléas d’origine atmosphérique, la filière agricole doit être attentive au changement climatique pour garantir la rentabilité des exploitations.

Un cycle de croissance perturbé ?

2Pour étayer cette hypothèse, la prise en compte de l’ensemble des modifications rencontrées au cours de la croissance du blé est impérative. D’abord, la hausse des températures peut engendrer une réduction de la durée du cycle, entraînant une maturité physiologique dès la fin du mois de juin et des moissons plus précoces. De ce fait la fin du cycle du blé échapperait aux sécheresses et chaleurs attendues pour la période estivale. Si ces résultats apparaissent rassurants, notamment pour les exploitations agricoles du sud de Caen, dont les sols plus minces disposent d’une moindre réserve en eau, l’anticipation des étapes du cycle de la plante peut révéler de nouveaux impacts. La croissance du blé (montaison) débuterait dès la sortie de l’hiver météorologique, période pendant laquelle les jours plus courts induisent un manque de rayonnement solaire préjudiciable à la plante. La fertilité des épis pourrait être affectée par une méiose pollinique (étapes de la formation du pollen) se déroulant un mois plus tôt, donc soumise à de basses températures. Et la douceur hivernale (déficit de vernalisation) hypothéquerait l’aptitude du blé à fleurir au printemps. Enfin, rappelons qu’un cycle plus court engendrerait une réduction de la durée d’accumulation de biomasse. Par ailleurs, les conditions favorables au développement de pathogènes ne doivent pas être négligées. En 2016, la douceur automnale et hivernale, puis l’humidité du printemps, ont favorisé l’apparition de maladies ayant entraîné une chute historique des rendements.

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Schéma : Beauvais F., Mellet C.

Évolution des dates d’apparition des stades du blé tendre à Caen et des aléas associés

D’ici 2100, les jours de chaleur augmenteraient de 1,5 jour et le déficit hydrique diminuerait très légèrement. En revanche, l’occurrence du froid à la méiose augmenterait (de 5 à 11 années sur 30) et le cumul de rayonnement en début de montaison chuterait (de 14 510 à 9 800 cal/cm²), tout comme le nombre de jours de vernalisation (de 90 à 54 jours).

S’adapter aux nouvelles contraintes

3Fort de ces connaissances, différentes stratégies d’adaptation sont possibles. En retardant de plusieurs semaines la date de semis, le déficit de rayonnement solaire en début de montaison et les jours de froids à la méiose pourraient être évités. Mais, en contrepartie, avec des moissons à nouveau plus tardives, le blé n’échapperait plus aux jours de chaleur et au manque d’eau, alors même que l’irrigation pourrait être contrainte (diminution de l’approvisionnement en eau des nappes phréatiques et des cours d’eau). Face à ces changements, la filière agricole peut aussi chercher des variétés de blé tolérantes aux stress climatiques identifiés (sélection variétale, recours à des variétés anciennes, épi-génétisme, etc.). Dans le cas où la génétique et le retour à la rusticité n’apporteraient pas de solutions, de nouveaux assolements sont à envisager, sans quoi la viabilité des exploitations serait remise en cause.

Pour citer ce document

François Beauvais, Olivier Cantat et Philippe Madeline, 2022 : « La culture du blé tendre en Plaine de Caen à l’horizon 2100 : quel avenir face à l’évolution des conditions climatiques ? », in Atlas Social de Caen [En ligne], ISSN : 2779-654X, mis à jour le : 22/01/2022, URL : https://atlas-social-de-caen.fr:443/index.php?id=1012, DOI : https://doi.org/10.48649/asdc.1012.

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Bibliographie

Beauvais F., 2019, « Changement climatique et agriculture : Quels enjeux et perspectives pour les agrosystèmes normands ? », Séminaire annuel Sociétés et Espaces ruraux, Atelier jeunes chercheurs : séance consacrée à l’état d’avancement des travaux des doctorants du Pôle rural, MRSH de l’Université de Caen Normandie, 12 février 2019, Résumé et fichier Audio : http://www.unicaen.fr/recherche/mrsh/forge/5866

Beauvais F., Cantat O., Madeline P., 2019, « Changement climatique et céréaliculture en Normandie ? Quelles perspectives pour 2100 ? », Actes du 32ème Colloque de l’Association Internationale de Climatologie, Thessaloniki, pp 71-76 (communication orale), http://www.climato.be/aic/colloques/actes/Thessaloniki2019_actes.pdf

Beauvais F., Cantat O., Madeline P., 2019, « Quelle représentativité des données CNRM-2014 et IPSL-2014 sur la période 1976-2005 pour une étude agroclimatique portant sur le blé tendre dans un contexte de changement climatique en Normandie ? », Séminaire atelier de la commission « Changements climatiques et territoires »du Comité National Français de Géographie à l’Université de Bourgogne de Dijon, 21 mars 2019.

Beauvais F., Cantat O., Madeline P., Le Gouee P., Brunel-Muguet S., Mejkane M., 2019, « Quelles conséquences du changement climatique sur le blé tendre en Normandie aux horizons 2050 et 2100« ? Étude d’impact prospective à partir du modèle ALADIN-Climat »,Climatologie [En ligne], mis à jour le : 14/04/2020, https://doi.org/10.4267/climatologie.1414

Beauvais F., Cantat O., Madeline P., Le Gouee P., Brunel-Muguet S., Mejkane M., 2020, « What will be the consequences of climate change on soft wheat in Normandy (France) in 2050-2100? Prospective impact study based on ALADIN-Climate model EGU General Assembly,Vienna, 4-8 May 2020. Session AS4.38 - Applications of meteorology and climatology to agriculture (08 May 2020), Résumé (2 p.) https://doi.org/10.5194/egusphere-egu2020-9780

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Clément Mellet

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Depuis le milieu des années 1990, les rendements du blé tendre stagnent en Normandie. Deux causes sont avancées : l’augmentation des sécheresses au cours de sa croissance et la multiplication des jours de chaleur survenant en fin de cycle, pendant le remplissage des grains. Dans la perspective de printemps et d’étés plus chauds et plus secs, comment vont évoluer ces rendements dans les prochaines décennies ?

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