Atlas Social de Caen

De l'agglomération à la métropole ?

Les marchés immobiliers, reflets de la division sociale de l'espace. Acquéreurs de maisons et terrains à bâtir dans l’aire urbaine de Caen (2000-2014)

par Michaël Bermond et Maxime Marie

planche publiée le 17 juin 2022

Les marchés immobiliers occupent une place grandissante dans les économies contemporaines, que ce soit par leurs rôles dans les cycles économiques, dans les processus d’accumulation et de répartition des patrimoines, ou encore dans l’orientation des politiques du logement. Dans un contexte inédit de hausse des prix immobiliers depuis le début des années 2000, l’aire urbaine de Caen voit se maintenir une relative diversité socioprofessionnelle des acquéreurs sur les marchés des maisons et terrains à bâtir. Pour autant, les stratégies de localisation résidentielle demeurent différentes selon les ménages. Les catégories supérieures achètent rarement au sein des mêmes communes ou des mêmes quartiers que les catégories populaires, et inversement. À partir des données notariales, se dessine une géographie sociale des acquéreurs de maisons et terrains à bâtir.

Un marché des acquéreurs à l’image de la population résidente ?

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Graphique : Bermond M., Marie M., Mellet C.

Répartition des acquéreurs de maisons et terrains à bâtir par catégorie socioprofessionnelle et par année entre 2000 et 2014 dans l’aire urbaine de Caen

1Le profil socioprofessionnel des acquéreurs reste relativement stable sur l’ensemble de la période 2000-2014, à l’exception du recul des ouvriers et de la progression des retraités, à l’image de la dynamique d’évolution de ces groupes au sein de la population générale de l’aire urbaine. Cependant, on observe sans surprise une présence plus active des professions intermédiaires et cadres supérieurs sur le marché, en comparaison de leur poids relatif dans la population résidente : 49 % des transactions, alors qu’ils représentent 29 % de la population résidente en 1999. Si les employés et les ouvriers sont moins présents sur le marché, ils se démarquent des autres catégories en choisissant plus fréquemment de faire construire plutôt que d’acheter une maison.

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Graphique : Bermond M., Marie M., Mellet C.

Profil en PCS des acquéreurs de maisons et terrains à bâtir (2000-2014) comparé au profil de la population résidente dans l'aire urbaine de Caen en 1999 et 2017

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Tableau : Bermond M., Marie M., Mellet C.

Répartition des maisons et terrains à bâtir par catégorie socioprofessionnelle entre 2000 et 2014 dans l’aire urbaine de Caen

Un ou des marchés immobiliers ?

2La répartition spatiale des acquéreurs selon leur catégorie socioprofessionnelle révèle l’existence de plusieurs marchés immobiliers, bien différenciés socialement en dépit d’une relative proximité spatiale. L’aire urbaine de Caen se découpe en huit sous-ensembles au sein desquelles les populations tendent à se regrouper selon leur revenu et leur style de vie.

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Carte et tableau : Bermond M., Marie M., Mellet C.

Typologie des communes ou quartiers selon le profil socioprofessionnel des acquéreurs de maisons ou terrains à bâtir dans l’aire urbaine de Caen (2000-2014)

3Les marges de l’aire urbaine autour de Potigny, Thury-Harcourt, Mézidon-Canon ou Villers-Bocage (type 1) reproduisent un profil populaire parfois établi de longue date : les ouvriers représentent ici près de 40 % des transactions (contre 14,8 % en moyenne). À l’opposé de ce type, on retrouve, davantage en position de centralité urbaine, un marché des maisons ou des terrains dominé par les catégories supérieures, avec des distinctions selon leur secteur d’activité : les quartiers valorisés de l’hypercentre de Caen (Saint-Julien, Jardin des Plantes, Saint-Nicolas) pour les chefs d’entreprise et les professions libérales (type 7), les quartiers péricentraux ou périurbains aisés du nord-ouest (proches des parcs d’activités scientifiques et technologiques) pour les cadres hautement qualifiés du secteur marchand (type 5), les anciens quartiers populaires péricentraux (Calmette, Saint-Jean-Eudes, Le Marais, Bas Vaucelles) pour les professions intermédiaires et cadres du secteur non marchand (type 6).

4Les espaces périurbains dessinent une mosaïque de situations plus ou moins contrastées : tout d’abord, une nette opposition entre les communes périurbaines du plateau nord de l’agglomération ou de la basse vallée de l’Odon (type 5), délimitant des marchés immobiliers socialement sélectifs par leurs aménités environnementales et leur accessibilité aux centralités urbaines, et le reste des communes périurbaines aux marchés immobiliers mixtes à dominante populaire (types 2 et 3) ; ensuite, une tendance à la segmentation des marchés périurbains de deuxième, voire troisième, couronne entre des communes au profil populaire (type 2) et des communes où les catégories populaires sont concurrencées par une progression des professions intermédiaires (type 3). L’offre de terrains à bâtir, importante pour le type 3, semble jouer un rôle discriminant et s’apparente à un marché de report pour des catégories intermédiaires qui ne parviennent plus à se maintenir en proche périphérie urbaine sous l’effet de la pression immobilière. Enfin, la bande littorale (type 8) isole un marché spécifique de villégiature pour les retraités (19,8 % des acquéreurs).

5Au final, l’analyse des transactions immobilières donne à lire une organisation de l’espace métropolitain caennais qui hiérarchise le niveau moyen des prix immobiliers selon un gradient centre-périphérie et une logique sectorielle. Les marchés immobiliers consolident les divisions en place plus qu’ils ne les bousculent.

Pour citer ce document

Michaël Bermond et Maxime Marie, 2022 : « Les marchés immobiliers, reflets de la division sociale de l'espace. Acquéreurs de maisons et terrains à bâtir dans l’aire urbaine de Caen (2000-2014) », in Atlas Social de Caen [En ligne], ISSN : 2779-654X, mis à jour le : 17/06/2022, URL : https://atlas-social-de-caen.fr:443/index.php?id=1128, DOI : https://doi.org/10.48649/asdc.1128.

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Bibliographie

Bermond M., Marie M., 2016, « Différenciation socio-spatiale et migrations résidentielles dans l’aire urbaine de Caen. Une approche par la spatialisation des données notariales PERVAL », Revue d'Economie Régionale et Urbaine , 2016-4, p.817-845, https://hal-normandie-univ.archives-ouvertes.fr/halshs-01391354v1

Index géographique

Michaël Bermond

Maître de conférences en géographie, UMR 6590 Espaces et Sociétés (ESO), Université de Caen Normandie

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Résumé

Les marchés immobiliers occupent une place grandissante dans les économies contemporaines, que ce soit par leurs rôles dans les cycles économiques, dans les processus d’accumulation et de répartition des patrimoines, ou encore dans l’orientation des politiques du logement. Dans un contexte inédit de hausse des prix immobiliers depuis le début des années 2000, l’aire urbaine de Caen voit se maintenir une relative diversité socioprofessionnelle des acquéreurs sur les marchés des maisons et terrains à bâtir. Pour autant, les stratégies de localisation résidentielle demeurent différentes selon les ménages. Les catégories supérieures achètent rarement au sein des mêmes communes ou des mêmes quartiers que les catégories populaires, et inversement. À partir des données notariales, se dessine une géographie sociale des acquéreurs de maisons et terrains à bâtir.

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