Atlas Social de Caen

De l'agglomération à la métropole ?

Se loger dans l’aire urbaine : 50 ans de mutations

par Étienne Walker

planche publiée le 21 mars 2022

Loin d’avoir résorbé l’historique partition ouest/est, entre bourgeois et ouvriers, la tertiarisation de l’économie a contribué à la reproduire sous la forme du couple cadres et professions intermédiaires versus employés, chômeurs et ouvriers. Ces derniers, de moins en moins nombreux, sont relégués de manière croissante au sein des périphéries agricoles de l’aire urbaine.

De la bourgeoisie à l’encadrement dans le centre et le nord-ouest

1Signe de leur prédilection pour les aménités urbaines et de leur capital économique leur donnant accès aux biens immobiliers aux valeurs les plus élevées, les cadres et professions intellectuelles supérieures (Cpis) en emploi de 25 à 54 ans, généralement très diplômés, sont depuis 1968 à Caen, ainsi que dans une dizaine de communes limitrophes à l’ouest et au nord (Saint-Contest, Mathieu, Bretteville-Sur-Odon, etc.), entre deux et trois fois plus nombreux que dans le reste de l’aire urbaine (au sens de l’Insee).

2Ils y représentaient en 1968 en moyenne 5 % des résidents actifs de 25 à 54 ans. Ce chiffre s’élève aujourd’hui à près de 29 %. À l’échelle de l’ensemble de l’aire (typologie : C1 violet), ces pourcentages s’élevaient à 2 % (1968) et 13 % (2015). Dans la même logique, et depuis la fin du 20e siècle, une grande majorité des autres communes du tiers nord-ouest de l’aire se démarque par une constante surreprésentation des professions intermédiaires parmi les résidents actifs de 25 à 54 ans (jusqu’à 27 % en 1999 contre 21 % en moyenne dans l’aire), ainsi que par celle des Cpis. Ce phénomène s’observe au détriment des employés qui y étaient implantés jusque-là (typologie : C3 bleu foncé et C2 bleu clair) : Vimont, Ranville, Rosel ; Ifs, Verson, Rots, etc. Parallèlement, la proportion des résidents ouvriers en emploi de 25 à 54 ans, et des peu diplômés, ne cesse de baisser au sein de ces espaces.

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Carte : Walker É., Mellet C.

Les dynamiques socio-résidentielles dans l’aire urbaine de Caen depuis 1968
(actifs de 25 à 54 ans)

Les classes populaires : de l’est historique aux périphéries agricoles

3Malgré la diminution continue de leurs effectifs, les ouvriers sont toujours surreprésentés parmi les résidents actifs de 25 à 54 ans au sein d’une trentaine de communes de la moitié est (56 % en 1968 et seulement 23 % aujourd’hui). Depuis les années 1980, le capitalisme industriel a en effet progressivement laissé place à « l’économie de la connaissance ». Les conséquences locales s’observent dans des communes telles que Colombelles, Giberville, Cagny, Potigny, Mézidon Vallée d’Auge, etc. (typologie : B2 rouge).

4Au sein de communes de première couronne situées surtout à l’est de l’aire urbaine, la présence notable des ouvriers s’accompagne de celle, croissante, des employés. Ces derniers y représentent jusqu’à 30 % des résidents actifs de 25 à 54 ans, au début du 21e siècle, contre un peu moins de 25 % en moyenne dans l’aire, comme par exemple à Cormelles-le-Royal, Mondeville, Carpiquet, Blainville-Sur-Orne (typologie : B1 orange foncé).

5Alors que la tertiarisation et les fonctions d’encadrement n’ont de cesse d’augmenter, la sous-représentation des Cpis au sein de ces communes persiste. Leur proportion moyenne parmi les résidents actifs de 25 à 54 ans y passe de 1,6 % à 8 % entre 1968 et 2015, contre 1,7 % et 13,5 % pour une commune moyenne de l’aire. Ainsi, l’idée d’une division socio-résidentielle ouest/est de l’aire subsiste, le couple « bourgeois versus ouvriers » ayant progressivement cédé la place à celui « d’encadrement versus exécution ».

6Il convient par ailleurs de noter, parmi les résidents actifs de 25 à 54 ans, la part croissante qu’occupent les ouvriers en emploi dans une vingtaine de communes rurales périphériques de la moitié sud de l’aire. Pour ces espaces, les agriculteurs étaient, jusque dans les années 1990, les seuls à être surreprésentés (typologie : A3 jaune, voire A4 orange pâle). Cela concerne des communes telles que Amayé-sur-Seulles ou Esson, Montigny ou Bonnœil. Dépassant celle, déclinante, atteinte dans les communes historiquement ouvrières de la moitié est de l’aire, la proportion d’ouvriers y atteint au début du 21e siècle la proportion de 30 % des résidents actifs de 25 à 54 ans, contre près de 20 % dans une commune moyenne de l’aire. Ceci fait écho à l’excentration résidentielle croissante des classes populaires en France, du fait de valeurs foncières plus élevées au sein des grands pôles et même de leurs premières couronnes.

7En dépit de la diminution structurelle du nombre d’agriculteurs depuis 1968, on note enfin la dynamique stable, ou au contraire déclinante, de leur surreprésentation en tant que résidents de 25 à 54 ans actifs au sein de communes telles que Saint-Lambert, Combray, Meslay, Ouilly-le-Tesson (typologie : respectivement A4 orange pâle et A2 vert clair). Cette évolution est couplée, récemment et notamment au sud de l’aire, à celle des artisans, commerçants et chefs d’entreprises (Acce) souvent liés au BTP comme à Cauville ou Épaney (typologie : A1 vert foncé).

Pour citer ce document

Étienne Walker, 2022 : « Se loger dans l’aire urbaine : 50 ans de mutations », in Atlas Social de Caen [En ligne], ISSN : 2779-654X, mis à jour le : 18/03/2022, URL : https://atlas-social-de-caen.fr:443/index.php?id=1042, DOI : https://doi.org/10.48649/asdc.1042.

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Résumé

Loin d’avoir résorbé l’historique partition ouest/est, entre bourgeois et ouvriers, la tertiarisation de l’économie a contribué à la reproduire sous la forme du couple cadres et professions intermédiaires versus employés, chômeurs et ouvriers. Ces derniers, de moins en moins nombreux, sont relégués de manière croissante au sein des périphéries agricoles de l’aire urbaine.

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Graphique : Walker É., Mellet C.

Trajectoire des barycentres des classes de 1968 à 2015 dans le plan factoriel F1 (31,43 %) / F2 (16,31 %)

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Graphique : Walker É., Mellet C.

Variables (axes F1 et F2 : 47,74 %)

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