Atlas Social de Caen

De l'agglomération à la métropole ?

Cap à l’est : restructurations de la distribution alimentaire

par Pierre Guillemin et Maxime Marie

planche publiée le 01 décembre 2020

Les entreprises caennaises du secteur de la transformation et de la distribution alimentaires connaissent un mouvement de déplacements vers le sud-est de l’agglomération. Celui-ci correspond à une évolution des modes de transport, à un désengagement des pouvoirs publics, aux logiques des projets urbains et aux stratégies commerciales des groupes.

1La dynamique spatiale de réimplantation des sites logistiques de l’agroalimentaire s’inscrit dans une logique d’ensemble qui affecte tous les secteurs logistiques dans les agglomérations françaises. Ces activités périphériques dans la chaîne de valeur trouvent des places privilégiées dans les communes populaires de première couronne, notamment les anciennes banlieues « rouges », mais aussi dans des petites villes régionales hors des aires urbaines.

2Dans le cas de la logistique alimentaire caennaise, le périurbain proche, à l’est, ou l’ancien plateau de la SMN constituent des cas typiques « d’espaces servants », où la logistique a représenté des opportunités de reconversion économique comme l’ont bien montré les travaux de Nicolas Raimbault en Île de France. Ces délocalisations en périphérie d’agglomération sont liées à la charge négative qui structure les représentations de la logistique, devenue indésirable dans ses espaces d’implantation historique, lieux que les projets urbains construisent comme cadre de vie attractif (production de logements en « fronts d’eau » et d’équipements culturels sur les friches industrielles). En ce sens, le déménagement du marché de gros de Caen relève des mêmes logiques que celui du Marché d’intérêt national (MIN) installé sur l’Île de Nantes ou celui du marché de gros de Lyon-Corbas. Par leur proximité avec les infrastructures fluviales et ferroviaires et leurs emprises foncières, ces marchés et entrepôts occupent des zones privilégiées par la densification urbaine à proximité des centres-villes.

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Figure 1 : Les relations commerciales publicisées par un grossiste alimentaire

Carte : P. Guillemin, M. Marie

Cette carte a été réalisée à partir du fil de publications de la page Facebook d’un grossiste à service complet (GASC), l’entreprise Foissier implantée à Colombelles. Lors d’animations commerciales dédiées aux produits exotiques ou du terroir, les photographies des stands de fruits et légumes des clients sont postées sur la page Facebook. A partir de cette source, il est possible de reconstituer une partie de la clientèle régionale, notamment des grandes surfaces et restaurants basés en Seine Maritime et dans l’Eure

Conquérir des marchés hauts normands

3Au-delà de ces logiques foncières et politiques de reconversion post-industrielle, le cap à l’est opéré par plusieurs entreprises de la distribution caennaise répond à des opportunités économiques d’élargissement de leurs aires de chalandises. Si le déménagement du marché de gros s’inscrit dans le projet urbain de la Presqu’île et permet de délocaliser un outil devenu vétuste et obsolète, sa nouvelle implantation correspond à des velléités de conquêtes de marchés à l’est du Calvados, voire dans l’ex Haute Normandie. Cette clientèle, qui se situe dans l’aire de chalandise du MIN de Rouen, est déjà captée par un grossiste (voir la carte de l’entreprise Foissier) qui a quitté le marché de gros en 2004.

4De même, l’implantation de Disgroup dans la zone Object’Ifs Sud répond à l’objectif de « conquérir de nouveaux marchés dans l’Orne et l’est de la Normandie » (Ouest-France, février 2017). Dans ce même mouvement géographique, on observe le déménagement de la plateforme Logidis, anciennement basée à Carpiquet. Celle-ci s’inscrit dans l’instabilité qui caractérise les implantations des plateformes de distributeurs à l’échelle locale. D’une manière générale, il s’agit pour partie de glissements de localisations autrefois proches des nœuds fluviaux et ferroviaires vers des nœuds autoroutiers, ce qui n’est pas sans questionner les coûts environnementaux de la logistique urbaine, notamment celle du « dernier kilomètre ».

5Ce cap à l’est correspond enfin à une libéralisation de la distribution alimentaire caennaise, caractérisée par un désengagement de la puissance publique (privatisation de la poissonnerie et des abattoirs municipaux, privatisation du marché de gros de fruits et légumes affecté par le départ d’un grossiste) qui a repoussé les fonctions supports en périphérie, les laissant aux stratégies des groupes privés et aux logiques de marché.

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Figure 2 : L’évolution des principaux acteurs de l’agroalimentaire

Cartes : P. Guillemin, M. Marie

Cette carte a été réalisée à partir de relevés de terrain et d’archives. Elle fait état de l’évolution de la localisation des principaux acteurs de l’agroalimentaire dans l’agglomération caennaise (producteurs-expéditeurs, industries de la transformation, entreprises du commerce de gros, centrales d’achat de la grande distribution) depuis les années 1940.

Pour citer ce document

Pierre Guillemin et Maxime Marie, 2020 : « Cap à l’est : restructurations de la distribution alimentaire », in Atlas Social de Caen [En ligne], ISSN : 2779-654X, mis à jour le : 01/12/2020, URL : https://atlas-social-de-caen.fr:443/index.php?id=494, DOI : en attente.

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Bibliographie

Dablanc L,, Fremont A., (dir), 2015. La métropole logistique. Le transport de marchandises et le territoire des grandes villes, Armand Colin, Paris, 316 p.

Raimbault N., 2015. Perdants et gagnants du développement logistique de la métropole : quelle géographie de la domination ?, in C lerval A. et al,(dir) Espace et rapports de domination, PUR, Rennes, p. 141-152 DOI:10.4000/books.pur.59339

Guillemin etMargetic C., 2020. Le troisième déménagement de l’histoire du Marché d’intérêt national de Nantes (MIN) », in Atlas Social de la métropole nantaise, https://asmn.univ-nantes.fr/index.php?id=453/

Index géographique

Résumé

Les entreprises caennaises du secteur de la transformation et de la distribution alimentaires connaissent un mouvement de déplacements vers le sud-est de l’agglomération. Celui-ci correspond à une évolution des modes de transport, à un désengagement des pouvoirs publics, aux logiques des projets urbains et aux stratégies commerciales des groupes.

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