Atlas Social de Caen

De l'agglomération à la métropole ?

Hérouville-Saint-Clair : une ville nouvelle exemplaire ?

par Trinidad Cador

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planche publiée le 26 février 2023
https://doi.org/10.48649/asdc.1159

À la fin des années 1950, Hérouville-Saint-Clair est une petite commune rurale de moins de 2 000 habitants. Elle en compte aujourd’hui près de 23 000 selon l’Insee (2017). Comment cette localité, choisie dans les années 1960 par l'autorité préfectorale, est-elle devenue une zone à urbaniser en priorité (ZUP), dans le cadre d’une procédure administrative d'urbanisme opérationnel ? Comment ses partis pris architecturaux et urbanistiques en ont-ils fait une ville laboratoire ? De quelle manière enfin son image et sa composition sociale ont-elles été bouleversées pour devenir la deuxième « ville » du Calvados ?

Une ville pour fournir des logements

1Hérouville-Saint-Clair a eu un destin chahuté. Avant d’être une ZUP, sa mairie, son église, son bar, etc., forment le bourg de Montmorency qui surplombe le canal de l'Orne. Elle s'oppose à l'industrielle et laborieuse commune de Colombelles, située sur l'autre rive du canal, qui vit au rythme d'une activité métallurgique pourvoyeuse de milliers d'emplois. Les carences locales en logements sont telles qu’il est nécessaire de planifier un plan d’urbanisme massif. On crée ex nihilo de nouveaux quartiers : les Belles Portes, le Grand Parc, la Grande Delle, etc. Les images promotionnelles réalisées dans les années 1960 révèlent que ces nouveaux lieux sont investis par de jeunes ménages, le plus souvent employés par les grands sites industriels locaux ou par leurs prestataires et sous-traitants voisins. Les logements offrent le confort de la modernité (eau courante, chauffage, sanitaires, etc.) ainsi que les services de proximité.

Premier projet de de l’Union des Architectes et Urbanistes de Paris, 1961

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Photo : Ville d'Hérouville-Saint-Clair

Un urbanisme novateur et une architecture créative pour forger une identité

2L’urbanisme est, pour l’époque, novateur puisque chaque quartier se veut un petit village doté de tous les services. La ZUP est en effet constituée de quartiers d’une capacité de 1 500 à 1 800 logements, chacun étant doté d'une, voire de deux écoles, d’une salle polyvalente, d’un centre commercial de proximité, et parfois même d'un gymnase. Ils sont implantés dans des îlots paysagers, reliés entre eux par des passerelles, offrant une grande accessibilité par des voies piétonnes. Les espaces piétons se distinguent ainsi des espaces dévolus aux voitures reléguées en périphérie des quartiers (circulant sur des boulevards urbains de deux fois deux voies formant des boucles). Par ailleurs, les quartiers ne sont pas « traversants » puisque les voies pour y accéder débouchent sur des parkings clos. Chaque quartier offre une diversité dans son offre de logements avec de l'habitat individuel, de l'habitat collectif, des logements locatifs privés et publics, tout comme des biens en accession. Cela initie une mixité sociale.

3Au début des années 1980, ces quartiers d’habitat sont en voie d’achèvement. La municipalité porte alors toute son attention sur le nouveau centre-ville qui se dote de ses premiers équipements culturels et administratifs (bibliothèque, cinéma d'art et d'essai, hôtel de ville, théâtre). Ces éléments sont ancrés dans un ensemble architectural monumental appelé la Citadelle Douce (conçue par Eugène Leseney). L'ambition des élus est de donner une réelle identité à la ville par le biais de la qualité architecturale. La construction d'équipements emblématiques et de programmes de logements est confiée dans les années 1980 et 1990 à des architectes reconnus comme Massimiliano Fuksas, Jean Nouvel, Roland Castro, Olivier Baudry, Jérôme Brunet ou encore Michel Kalt.

Archives de la ville d’Hérouville-Saint-Clair, 1967

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Photo : Ville d'Hérouville-Saint-Clair

Cette photographie montre la construction du quartier du Grand Parc, de la Grande Delle et de la Haute Folie dans les années 1960. Les grands ensembles collectifs y sont importants. Ils seront démolis quarante ans plus tard, dans le cadre du grand projet de renouvellement urbain, pour laisser la place à de petits immeubles aux rez-de-chaussée dédiés à l’activité économique et tertiaire. La ZUP présente un modèle monofonctionnel qui sera remis en cause plus tard pour privilégier la mixité fonctionnelle et sociale.

Les défis de l’insertion urbaine et sociale

4Dans le même temps, les difficultés économiques et sociales surviennent : désindustrialisation, délocalisation, augmentation du chômage, précarisation des plus fragiles, progression de l’immigration sans politique réelle d’intégration, etc. L’impact local est important. La population des logements sociaux change. En effet, les premiers résidents et locataires des programmes immobiliers livrés dans les années 1960 et 1970 quittent Hérouville-Saint-Clair. Ils poursuivent leurs parcours résidentiels dans d’autres communes ayant édifié des zones pavillonnaires (Giberville, Cuverville, Ifs, Blainville-sur-Orne, Colombelles, etc.). Une population plus fragile s’installe alors dans les logements sociaux des quartiers les plus denses (Grand Parc et Belles Portes notamment). Des indicateurs de précarité y sont observés dès les années 1990 : taux de chômage élevé notamment chez les jeunes, surreprésentation des familles monoparentales et des niveaux de diplôme n’allant pas au-delà de la scolarité obligatoire, du CAP ou du brevet des collèges.

5Hérouville-Saint-Clair fait ainsi face à la difficulté de l’inclusion et à l’intégration des populations les plus précaires. Très tôt, elle bénéficie des dispositifs de la politique de la ville qui ont pour objectif majeur de réduire les écarts de développement. On vise à restaurer l’égalité républicaine dans les quartiers les plus pauvres et à améliorer les conditions de vie de leurs habitants. Ils subissent le chômage et un décrochage scolaire plus élevés qu’ailleurs, ainsi que des difficultés d’accès aux services et aux soins. Dès les années 1990, des périmètres d’intervention publique sont définis. Ils permettent de mobiliser des fonds issus du droit commun de l’État et des collectivités locales pour accompagner et pour aider les acteurs et les associations intervenant auprès des publics domiciliés dans les quartiers ciblés par la politique de la ville. C’est à cette époque que des associations aujourd’hui emblématiques émergent telles que La Voix des Femmes ou l’Association Quartiers Jeunes.

6La croissance démographique d’Hérouville-Saint-Clair constitue, d’une certaine manière, une preuve du succès de cette ville nouvelle. Même si des difficultés sont apparues, cette ville reste toujours attractive et répond encore globalement aux objectifs de départ de loger de nombreux habitants.

Plan de la ville d’Hérouville-Saint-Clair

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Photo : Ville d'Hérouville-Saint-Clair

Les architectes de la ZUP conçoivent un plan de ville inspiré des « new towns » anglaises, très proches des cités jardins du début du 20e siècle. Chaque quartier est pensé comme un village. Le végétal y est très présent.

Pour citer ce document

Trinidad Cador, 2023 : « Hérouville-Saint-Clair : une ville nouvelle exemplaire ? », in Atlas Social de Caen [En ligne], ISSN : 2779-654X, mis à jour le : 27/02/2023, URL : https://atlas-social-de-caen.fr:443/index.php?id=1159, DOI : https://doi.org/10.48649/asdc.1159.

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Résumé

À la fin des années 1950, Hérouville-Saint-Clair est une petite commune rurale de moins de 2 000 habitants. Elle en compte aujourd’hui près de 23 000 selon l’Insee (2017). Comment cette localité, choisie dans les années 1960 par l'autorité préfectorale, est-elle devenue une zone à urbaniser en priorité (ZUP), dans le cadre d’une procédure administrative d'urbanisme opérationnel ? Comment ses partis pris architecturaux et urbanistiques en ont-ils fait une ville laboratoire ? De quelle manière enfin son image et sa composition sociale ont-elles été bouleversées pour devenir la deuxième « ville » du Calvados ?

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