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Les références à Caen dans les clips d’Orelsan s’étalent sur plus de dix ans, depuis l’album Perdu d’avance (2009) jusqu’à l’album Civilisation (2021). L’espace caennais subit pourtant un traitement différencié : tantôt anonyme, tantôt présent en filigrane et tantôt publicisé. Caen est à la fois représentée comme une ville française moyenne et une ville-identité que le rappeur utilise comme ancrage territorial. Au-delà de Caen, le traitement de l’image véhicule les clichés d’un rap subversif empreint de références américaines ou japonaises. La culture urbaine est mise en avant dans un climat d’alcoolisme permanent. Elle laisse une place progressive à un cadre géographique traditionnel, vécu comme une source d’apaisement à la campagne et à la mer.
Les clips où Caen est anonyme, une ville universelle
1Dans les clips officiels d’Orelsan, la ville est d’abord le support d’activités nocturnes, festives, subversives autour de la boîte de nuit, du fast-food, des rues du centre-ville. L’appartenance caennaise n’est pas revendiquée. Le chanteur utilise le décor caennais pour tourner ses clips, sans pour autant que l’espace soit l’objet d’une appropriation. Les lieux montrés sont presque banaux et prennent une valeur commune à laquelle le public peut facilement s’identifier peu importe où il se trouve en France. Même dans un clip où les images de Caen sont nombreuses comme « Ramen » (2010), le choix de la production n’est pas d’afficher des lieux reconnaissables ou identifiables mais d’illustrer une figure de la ville. Le centre-ville est représenté de nuit à travers ses rues commerçantes. C’est un lieu de la consommation d’alcool en extérieur et dans les bars. C’est aussi le lieu des scènes de groupe, de rodéo urbain ou de parkings. Les lieux présentés de jour sont pour la plupart en extérieur : parc, terrains de sport, cimetière, campagne. Le temps normand décrié par Orelsan dans plusieurs textes ne transparaît pas du tout puisqu’il fait beau dans les clips, et cela même en hiver ou au printemps.
Figure 1 : pont sur l’Orne de nuit
Crédits : Legentil U.
Un des lieux de tournage du clip « À l’heure où je me couche » (Casseurs Flowters, 2015). Vue vers la Promenade de Sévigné et la Presqu’Île depuis le Pont de Bir Hakeim, vue vers le nord-est.
Une identité caennaise naissante, en filigrane
2Plusieurs clips témoignent ensuite d’une construction d’un imaginaire caennais, voire d’une volonté d’appropriation par le chanteur de certains lieux. Des lieux bien identifiés font récurrence, à savoir : le Stade Malherbe, le bord de mer, le skate-park, le Cargö, les bords de l’Orne, etc. Les clips s’adressent à la fois aux Caennais à travers des lieux emblématiques de la vie locale (Le Chic, Fnac, Mc Donald, place du théâtre, les Fossés Saint-Julien, Radio Phénix, etc.), mais aussi très ponctuellement avec des références visuelles directes comme par exemple l’intitulé « Filles faciles proche de Caen » (Discipline, 2018) ou les panneaux routiers mentionnant Caen (« Plus rien ne m’étonne », « Bloqué »). Les clips sont aussi tournés hors les murs, en proximité directe avec la ville. L’artiste choisit d’enrichir l’image de ville à la campagne où l’on se retrouve dans le périurbain caennais, dans des espaces du vide (pas d’habitation, routes désertes, champs agricoles). La référence à Caen est alors plus ou moins précise. Elles émaillent le travail de l’artiste en proposant au spectateur l’image d’un rappeur à l’ancrage territorial diffus. Ces choix d’images n’ont pas pour objet de définir directement l’environnement du chanteur, bien qu’ils participent à construire un imaginaire autour de lui.
Figure 2 : les références à Caen dans les clips d’Orelsan
Crédits : Legentil U.
Les références à Caen ont été identifiées dans les clips officiels du rappeur, regroupées par album, puis classées en catégorie. Il y a de grandes variations dans le nombre de lieux cités au sein du corpus des clips officiels. En effet, aucun lieu en référence à Caen n’est montré dans les clips des albums Fantasy épisode -1 (2003), La fête est finie (2017) ou Civilisation perdue (2022). À l’inverse, certaines chansons iconiques s’appuient sur des clips tournés à Caen (« La terre est ronde », 2011 ; « Inachevés », 2015 ; « Du propre », 2021). Les premiers albums contiennent beaucoup de références diffuses à Caen du fait des moyens de production limités. Le chanteur illustre la ville dans laquelle il habite. Sur la période récente (2015-2021), Orelsan réinvestit les lieux et les met en scène autour d’emblèmes territoriaux comme le Stade Malherbe ou le kebab Magic Beau Gosse à Caen. La catégorie « Autres » regroupe les références aux lieux suivants : école, théâtre, terrain vague, route, abribus, boîte de nuit.
Une identité caennaise revendiquée à travers des emblèmes territoriaux
3Les clips tournés pendant les concerts à la salle de spectacle du Cargö, où Orelsan a été découvert, nous montrent cet attachement de l’artiste avec le lieu de ses débuts. Les Caennais reconnaissent le Cargö ce qui accentue la filiation territoriale avec le chanteur. Différents clips officiels mettent en scène la ville de Caen. Plusieurs sont dédiés à Caen (« Deux connards dans un abribus », « Des histoires à raconter », « Jours meilleurs », « Du propre », « A l’heure où je me couche »). C’est parfois une véritable visite de la ville qu’opère le rappeur. Le centre-ville est même transfiguré. Il est en effet mis en scène : le bar « Au Chef Raide », rue Montoir Poissonnerie, est renommé en « l’Embuscade », nom de la boisson étudiante emblématique de la ville. Dans le clip « Jour meilleur » (2021), Orelsan envahit la pelouse du stade d’Ornano. Il complète une représentation mentale de la ville, de jour comme de nuit, et atteste d’une connaissance des lieux de vie sociale des jeunes ainsi que d’une appropriation désormais revendiquée.
Figure 3 : lieux caennais emblématiques dans les clips d'Orelsan
Abribus stade Michel d'Ornano

Clip « Deux connards dans un abribus » 0:13 (Orelsan et Gringe sont les Casseurs Flowters, 2013).
Toutes les images : © Legentil U.
Son chez soi : de l’urbain régressif au périurbain familial
4L’appartement, lieu de l’intime, prend aussi une place importante. Il est donné à voir en désordre. C’est le lieu de l’adolescence peuplé de références culturelles (jouets, posters, mangas, etc.). C’est aussi le lieu d’opposition à l’ordre moral (grasse matinée, ivresse, sexe, drogue). Dans les clips plus récents, l’imaginaire de la maison avec jardin apparaît autour de la valeur famille. Un processus d’embourgeoisement se confirme dans les lieux représentés autour du pavillon et du bord de mer. Le lien familial ajoute une coloration sentimentale et un ancrage du rappeur aux lieux (« J’essaye, j’essaye », « Jours meilleurs »). C’est un Orelsan hors la ville qui est présenté dans les lieux du Mémorial britannique de Ver-sur-Mer, auprès du chalutier « La persévérance » à Port-en-Bessin, dans la villa La Horde, à Lion-sur-Mer, au restaurant La Pêcherie à Courseulles, ou au Sexton Côté Mer, à Ver-sur-Mer. On nous présence un cadre calme, balnéaire, centré sur des valeurs familiales traditionnelles voire conservatrices. Dans les clips récents, le chanteur est présenté en quarantenaire, en transition dans sa vie d’adulte, avec un retour aux sources dans l’antithèse du rappeur subversif des débuts.
Figure 4 : carte des lieux représentés dans les clips
Crédits : Legentil U.
Les 64 occurrences de lieux identifiés à Caen dans 19 clips d’Orelsan entre 2006 et 2021.
Figure 5 : le Creux au renard (Bretteville-sur-Odon)
Crédits : Legentil U.
Un des lieux de tournage du clip « A l’heure où je me couche » (Casseurs Flowters, 2015).
Pour citer ce document
Ugo Legentil, 2025 : « Caen à travers les clips d’Orelsan », in Atlas Social de Caen [En ligne], ISSN : 2779-654X, mis à jour le : 24/02/2025, URL : https://atlas-social-de-caen.fr:443/index.php?id=1312, DOI : https://doi.org/10.48649/asdc.1312.
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