Atlas Social de Caen

De l'agglomération à la métropole ?

Les noms de rues à l’épreuve du genre

par Pauline Bosredon, Margaux Boisgontier et Ugo Legentil

planche publiée le 15 septembre 2025

La thématique présentée est inspirée de la planche « Les noms de rues à l’épreuve du genre. Une géographie politique de Nantes de l’Atlas Social de la métropole nantaise ». Les cinq sites du laboratoire Espaces et Sociétés (ESO) ont mené des recherches similaires, sur la base d’une méthodologie commune et dans une perspective comparative entre Nantes, Rennes, Angers, Le Mans et Caen.

NDLA

Le collectif Caen à Elles a initié, dès 2023, une réflexion autour de la sous-représentation des femmes dans l’espace public comprenant le recensement des figures de femmes normandes, la création de balades commentées et de plaques de rues posées temporairement dans la ville. Cette étude propose de poursuivre cette dynamique à travers un état des lieux des noms de rues faisant référence aux femmes dans la ville de Caen. À travers l’analyse des noms de rues, c’est la symbolique de la ville qui est aussi questionnée. Au-delà des seuls noms de rues, la marginalisation des femmes dans l’espace public met en lumière une organisation de la ville historiquement façonnée par et pour les hommes ainsi que pour les catégories sociales dominantes.

Une répartition inégale des noms de rues en fonction du genre

1Les données présentées sont issues des noms de voies enregistrées par l’Institut Géographique National (IGN). Elles sont publiques et mises à disposition dans le millésime 2023 de la « BD TOPO » (voies nommées et tronçons de routes). Parmi les 585 kilomètres de voies sur le seul périmètre de la commune de Caen, nous avons identifié 363 km de voies nommées. Cela correspond à 1 100 tronçons portant un nom différent. Ces rues ont été classées en 3 grands types : femmes (exemple : rue George Sand), hommes (exemple : avenue Nelson Mandela), autres (exemple : rue aux fromages). Les voies dénommées par des références féminines et masculines ont été mesurées (largeur, longueur) et qualifiées selon le type de voies (allée, rue, boulevard, etc.). La rue des Rochambelles est, par exemple, une référence explicite à la communauté féminine des ambulancières déployées lors des batailles de la Libération en 1943, elle est donc rattachée aux références féminines.

Figure 1 : Plus de 44 % des noms de rues se réfèrent à un homme

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Crédits : D’après le Collectif à côté, Legentil U.

Sur les 1 100 voies nommées à Caen, 485 concernent des hommes (44 %), 247 des lieux et lieux-dits (22 %), 90 des végétaux (8 %), 78 des métiers, animaux, références historiques ou imaginaires (7 %), 157 sont dans une autre catégorie (exemple : rue de la liberté) et seulement 43 font référence aux femmes (4 %).

2Les voies portant des noms de femmes et d’hommes sont au nombre de 528 dans la commune de Caen. Si l’on compare les références à des figures féminines et masculines, seules 43 voies concernent des femmes (8 %), contre 485 qui concernent des hommes (92 %). Le nombre des voies qui font référence au féminin est ainsi douze fois inférieur à celles en référence au masculin.

Des inégalités en défaveur des femmes dans les dimensions des voies

3L’inégale représentation des femmes et des hommes dans les noms des voies de Caen ne se limite pas à leur seule désignation. En effet, les hommes sont surreprésentés parmi les voies à grand gabarit (rues, boulevards, places et quais) quand les femmes le sont davantage parmi les voies de petit gabarit (allées, chemins, passages, impasses, venelles).

Figure 2 : Des voies de petit gabarit faisant davantage référence aux femmes

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Crédits : D’après le collectif À côté, Legentil U.

20 % des voies en référence aux femmes sont des allées, chemins, passages, etc., contre 6 % en référence aux hommes. À l’inverse, les boulevards, places, quais représentent 7 % des voies au féminin contre 18 % au masculin.

4Dans la même logique, la longueur moyenne d’une voie nommée en référence aux femmes est de 189 mètres alors qu’elle atteint 336 mètres pour les hommes (+ 78 %).

Figure 3 : Les voies faisant référence aux femmes sont plus courtes

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Crédits : D’après le collectif À côté, Legentil U.

En moyenne, les voies nommées à Caen sont longues de 330 mètres. Au total, cela représente 363 km de longueur cumulée, dont 8,3 km de voies en référence aux femmes et 163 km en référence aux hommes.

L’hégémonie des références masculines pour la voirie publique

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Crédits : D’après le collectif À côté, Legentil U.

Figure 4 : Une répartition inégale entre les voies portant un nom de femme et celles portant un nom d’homme

5Bien que les femmes pratiquent l’espace public caennais tout autant que les hommes (même si elles le font de manière différenciée : voir Comment les femmes perçoivent-elles les espaces publics ?), la sous-représentation cartographique des femmes dans les noms de rue révèle une grande injustice. L’ensemble de la ville est maillé de rues nommées par des références masculines et, quel que soit le type de quartier, tous sont spécialisés dans les noms de rues aux références masculines. La place des femmes est invisibilisée par la toponymie et le centre-ville est particulièrement marqué par cette sous-représentation. L’inertie dans la dénomination des noms de rue participe à une symbolique genrée de l’espace urbain. À ce jour, la municipalité n’a pas souhaité poursuivre les réflexions autour de ce sujet. Pourtant, des marges de manœuvre existent avec le baptême des voies non nommées ou la rebaptisation de certaines voies.

Pour citer ce document

Pauline Bosredon, Margaux Boisgontier et Ugo Legentil, 2025 : « Les noms de rues à l’épreuve du genre », in Atlas Social de Caen [En ligne], ISSN : 2779-654X, mis à jour le : 15/09/2025, URL : https://atlas-social-de-caen.fr:443/index.php?id=1325, DOI : https://doi.org/10.48649/asdc.1325.

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Bibliographie

Collectif À côté, 2022, « Les noms de rues à l’épreuve du genre. Une géographie politique de Nantes (1/2) », in MADORÉ F., RIVIERE J., BATARDY C., CHARRIER S., LORET S., Atlas Social de la métropole nantaise, DOI : 10.48649/asmn.795

GIRAUT F., 2014, « Contre la sous-représentation des femmes dans les noms de rues, géopolitique d’une mobilisation contemporaine multiforme. », In : Blog Neotoponymie, Université de Genève, 8 p., DOI : 10.58079/rrmx

KERN L., DES ROCHERS A., 2022, Ville féministe : notes de terrain, Ed. Remue-ménage, 224 p.

OUALI N., LANNOY P., DESAMOURY V., GUILLEAUME S., MAYNÉ F., MERVILLE S., ODIER C., THÉBAUX A., 2021, « Les femmes dans le nom des rues bruxelloises. Topographie d’une minorisation », Brussels Studies, Collection générale, n°154, DOI : 10.4000/brussels.5376

RAIBAUD Y., 2015, La ville, faite par et pour les hommes : dans l’espace urbain, une mixité en trompe-l’œil, Ed Belin, 72 p.

Mots-clefs

Pauline Bosredon

Professeure de géographie, Université de Caen, MRSH, UMR 6590 Espaces et Sociétés (ESO)

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Margaux Boisgontier

Doctorante en géographie, Université de Caen, MRSH, UMR 6590 Espaces et Sociétés (ESO)

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Margaux Boisgontier

Résumé

Le collectif Caen à Elles a initié, dès 2023, une réflexion autour de la sous-représentation des femmes dans l’espace public comprenant le recensement des figures de femmes normandes, la création de balades commentées et de plaques de rues posées temporairement dans la ville. Cette étude propose de poursuivre cette dynamique à travers un état des lieux des noms de rues faisant référence aux femmes dans la ville de Caen. À travers l’analyse des noms de rues, c’est la symbolique de la ville qui est aussi questionnée. Au-delà des seuls noms de rues, la marginalisation des femmes dans l’espace public met en lumière une organisation de la ville historiquement façonnée par et pour les hommes ainsi que pour les catégories sociales dominantes.

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