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Les femmes et les hommes ne se déplacent pas toujours de la même manière dans les rues piétonnes, ne pratiquent pas les places, les squares, les arrêts de transports en commun ou encore les galeries marchandes ou les centres commerciaux de la même façon. Selon les moments de la journée, on constate des usages différents, des lieux préférés à d’autres tout comme des stratégies d’évitement. Si en théorie les espaces publics ou semi-publics sont accessibles à tous, dans la réalité, les espaces utilisés par les femmes sont généralement plus réduits que ceux des hommes
Des variations selon l’âge, le jour ou la nuit
1Une enquête par questionnaires approfondis menée auprès d’un groupe de plus de 320 femmes a permis de comparer leurs pratiques et leurs ressentis en fonction de deux critères : l’âge et le moment dans la journée, en opposant notamment le jour et la nuit. La notion de ressenti fait ici référence à un jugement subjectif des personnes, exprimé spontanément, à l’impression éprouvée par rapport à des lieux incluant les sentiments, les émotions, le sensible.
Graphique : E. Le Bigot. Source : Enquête (12/2017-5/2019)
Pourcentage de types de réponses par âges
Parmi les femmes enquêtées, 215 femmes ont moins de 40 ans et 103 ont plus de 41 ans. Ce groupe ne correspond pas exactement à la pyramide des âges locale, ce qui explique le choix d’exprimer les résultats en pourcentage. De plus, certaines femmes n’ont pas répondu aux questions concernant les pratiques et perceptions de nuit. Ainsi, après 41 ans, on dispose de moins de 25 % de réponses, et après 76 ans, personne n’a répondu. Ce biais méthodologique est pris en compte dans l’analyse.
2Les différences de perception varient avec l’âge mais pas de manière aussi déterminante que l’on aurait pu le penser, notamment pour la nuit. Le contraste le plus notable concerne l’augmentation de la part des commentaires positifs le jour jusqu’à la tranche d’âge 66-75 ans. La tendance s’inverse après 76 ans. On peut ici poser l’hypothèse que, l’âge avançant, les répondantes soient moins sensibles à la peur du harcèlement de rue. La baisse de cette pression semble aller de pair avec un habillement moins contraint et plus de liberté vis-à-vis du corps. Dans ce contexte, une hausse de la perception négative après 76 ans peut s’expliquer par la sensation de ne plus être capable de se défendre en cas d’agression, et notamment la peur du vol d’objets.
3Spontanément, les enquêtées identifient et réduisent les espaces publics au centre-ville, entre la gare SCNF et le campus 1 de l'Université. Sont mentionnés de manière secondaire, en dehors de ce centre, des espaces verts (colline aux oiseaux, jardin des plantes, etc.) ou encore des lieux concernant le quartier habité. Si ce constat est vrai pour la période de jour, et il encore plus vrai pour la période de nuit pendant laquelle les lieux publics en dehors du centre ont tendance à « disparaître » la nuit. Le plus souvent, les lieux publics nocturnes sont limités à l’hypercentre (entre le château, la place du théâtre et la rue Ecuyère) et sont qualifiés plutôt négativement. Il est fait référence à des espaces « mal éclairés », « mal fréquentés », à des « regards déplacés », à des regroupements d’individus, des « groupes de jeunes », « alcoolisés », « SDF », etc. Les espaces vides et désertés font également l’objet d’appréhension.
4Il est en tout autrement pour décrire les lieux publics le jour. Les commentaires sont plus positifs et ils concernent des superficies plus étendues. Les femmes interrogées utilisent des termes comme « ouvert », « espace vert », « sécurité », « convivialité » ou disent plus simplement : « Je m’y sens bien », sans forcément exprimer davantage ce qu’elles ressentent. Cependant, pour certains espaces comme la gare SNCF et le quartier de la Grâce-de-Dieu (lieux plutôt négatifs) ou la place Saint-Sauveur et les Rives de l’Orne (lieux plutôt positifs), il existe moins de variation entre le jour et la nuit : les perceptions en sont plus homogènes.
Carte : E. Le Bigot
Les perceptions des espaces publics le jour par les femmes
Dans le questionnaire, les femmes étaient invitées à sélectionner librement des lieux et à les qualifier positivement ou négativement, avec la possibilité d’écrire des commentaires personnels. Le questionnaire a été diffusé en ligne via FACEBOOK (majorité de moins de 25 ans) et la plateforme umap, dans les rues du centre-ville de Caen, mais également dans les quartiers de Hastings, La Folie-Couvrechef, Vaucelles, ainsi qu’à Hérouville-Saint-Clair. Le ressenti peut être clairement « positif » ou « négatif ». Il peut aussi être « mitigé » (équilibre des commentaires positifs et négatifs), « mitigé positif » (majorité de commentaires positifs) ou encore « mitigé négatif » (majorité de commentaires négatifs).
5Certains espaces publics sont préférés à d’autres pour leur ouverture ou leur grande visibilité (par exemple la place Saint-Sauveur ou la rue Saint-Pierre), leur aspect « naturel » (par exemple les pelouses du Château) ou leur fréquentation. Ainsi, une majorité de femmes interrogées se sentent plus à l’aise si la fréquentation est importante, « familiale » et plus âgée. Mais au contraire, la tranquillité et l’absence de fréquentation deviennent des atouts lorsqu’il est question des parcs (jardin des plantes, colline aux oiseaux etc.). L’ambiance végétale semble procurer une tranquillité d’esprit suffisante pour pouvoir fréquenter ces espaces, compensant de cette manière l’absence d’un entourage conséquent de personnes. Il faut ajouter que la mise en place d’un éclairage adapté la nuit est un critère important pour la majorité des femmes interrogées. De plus, l’importance du champ de vision est déterminante. Un espace grand et ouvert comme la place Saint Sauveur permet de voir au loin, et d’identifier un éventuel regroupement d’individus, dans le but d’anticiper une stratégie d’évitement.
Traitement et cartographie : Eugénie Le Bigot
Les perceptions des espaces publics la nuit par les femmes
En comparaison avec la carte concernant le ressenti pendant la journée, les catégories « négatif » et « mitigé négatif » ont plus d’importance. De plus, les carrés éloignés du centre sont plus rares de nuit que de jour. Il en va de même pour les carrés isolés, qui, dans le négatif, font le plus souvent référence à une agression spécifique.
Pour citer ce document
Eugénie Le Bigot, 2021 : « Comment les femmes perçoivent-elles les espaces publics ? », in Atlas Social de Caen [En ligne], ISSN : 2779-654X, mis à jour le : 23/09/2021, URL : https://atlas-social-de-caen.fr:443/index.php?id=874, DOI : https://doi.org/10.48649/asdc.874.
Autres planches in : Les groupes invisibles
Bibliographie
Lieber M., 2008, Genre, violence et espaces publics : la vulnérabilité des femmes en question, Les presses Science Po
Faure E., Hernández González E., Luxembourg C., 2017, La ville, quel genre ?, Le temps des Cerises
Raibaud Y., 2015, La ville faite par et pour les Hommes, Belin
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Les femmes et les hommes ne se déplacent pas toujours de la même manière dans les rues piétonnes, ne pratiquent pas les places, les squares, les arrêts de transports en commun ou encore les galeries marchandes ou les centres commerciaux de la même façon. Selon les moments de la journée, on constate des usages différents, des lieux préférés à d’autres tout comme des stratégies d’évitement. Si en théorie les espaces publics ou semi-publics sont accessibles à tous, dans la réalité, les espaces utilisés par les femmes sont généralement plus réduits que ceux des hommes
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