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Quelle vie mènent les SDF croisés quotidiennement dans les rues de Caen ? Les personnes marginalisées (SDF, « fous », mendiants, etc.) occupent les espaces publics (rues, squares, parcs, etc.) pour gagner leur vie, se nourrir, dormir. La confrontation avec les passants est inévitable. À la fois visibles et invisibles, ils font partie de la vie urbaine.
Être vu dans des lieux de passage
1La carte ci-contre présente plusieurs types d’usages associés aux espaces publics : mendicité, regroupement, sociabilité, repos et prostitution. La mendicité demande que la personne marginalisée soit vue et qu’elle soit dans un lieu de passage. À Caen, cette mendicité s’effectue dans l’hypercentre, principalement entre le Château et le théâtre. Hors de cette zone, des lieux tels que les boulangeries ou les églises peuvent également servir de lieux d’ancrage. Il s’agit de capter un flux de personnes suffisant tout en étant à proximité de lieux clés permettant de se nourrir, d’acheter du tabac ou de l’alcool.
Présence et identification par des riverains des personnes marginalisées dans le centre-ville de Caen
Carte : Eugénie Le Bigot, L. Pauchard
Cette carte a été obtenue à la suite d’un travail d’observation effectué en 2016-2017 afin de recenser les personnes marginalisées et leurs activités (mémoire de Master 1). Les éléments relatifs à la perception des riverains ont été obtenus à la suite d’entretiens (personnes marginalisées, riverains, associations). La présence réelle ne correspond pas exactement à l’identification par les riverains.
2Les lieux de regroupement et de sociabilité sont donc multiples : la place du théâtre, la place de la Résistance, le port, la gare ou la place de la République, du moins avant son réaménagement. Ces lieux semblent bien identifiés par les habitants et les passants car ils sont pérennes depuis un grand nombre d’années. Ils peuvent être bruyants, on y consomme parfois de l’alcool.
Ne pas attirer l’attention dans des lieux retirés
3Les lieux de repos sont, quant à eux, moins bien identifiés par les Caennais interrogés à ce propos. Ces lieux sont plus ponctuels et les utilisateurs n’y laissent pas nécessairement de marques. Il s’agit pour le ou la SDF de ne pas se faire remarquer pour éviter les vols et les agressions. Il peut s’agir de recoins, comme les pas de porte près de la Tour Leroy ou du boulevard Maréchal Leclerc. Des espaces ouverts également, plus volontiers utilisés à des heures avancées de la nuit, comme à proximité du Port.
4Lorsque des espaces de repos deviennent plus pérennes, ils se transforment en espaces de vie. C’est le cas d’un lieu particulièrement organisé, maintenu pendant plusieurs années sous le pont de Vaucelles, dans les buissons. Nos enquêtes ont relevé un exemple du même type à proximité de l’église Saint Gabriel. Occupant l’espace public de façon pérenne, les SDF sont alors soumis à des expulsions régulières de la part de la police. Ils peuvent également être menacés par des personnes malintentionnées (tentatives d’incendie).
Survivre en se déplaçant
5La vie d’un SDF, qu’il soit mendiant régulier ou non, c’est également la marche. La plupart des lieux permettant d’obtenir de l’aide comme l’hébergement d’urgence, les distributions de nourriture (bien que les maraudes viennent à la rencontre de ceux qui ne peuvent pas se déplacer) ou encore les services de la CAF, sont éloignés les uns des autres. Pour le SDF, il s’agit d’organiser sa survie en fréquentant ces différents lieux.
6Cependant, marcher constamment engendre des problèmes de santé qui demandent de pouvoir disposer de temps de repos. De tels lieux de repos ou de pause ne sont pas représentés sur la carte : bancs, rebords de fenêtre accessibles, cours intérieures, etc. Jusqu’à maintenant, la stratégie des pouvoirs publics consistait à les éloigner ou, du moins, à les contraindre à demeurer mobiles. Par exemple, ces politiques ont amené à supprimer des bancs, à en remplacer d'autres par des séparations empêchant les SDF de s'allonger, ou encore à remplacer les assises d'arrêts de bus par des barres hautes et fines, obligeant à être mi- assis / mi- debout. De tels équipements répulsifs sont peu à peu abandonnés car ils ne nuisaient pas uniquement aux SDF mais également aux personnes âgées, aux personnes avec enfants. Plus généralement, ils limitaient la mixité des générations et des genres dans les espaces publics.
Exemple de lieu approprié par une personne marginalisée
Photographie : Eugénie Le Bigot (2016)
Cette photographie prise en janvier 2016 montre un lieu approprié par une personne marginalisée, sous le pont de Vaucelles. Dissimulé par une haie, dans un virage à proximité d’une route passante, sa localisation dissuade les passants de s’arrêter. La tente, à droite derrière l’arbre, n’est visible que si on y prête attention. Cette « habitation » s’est maintenue jusqu’à l’hiver 2017 avant que le SDF en soit délogé par les forces de l’ordre.
Espace de repos collectif provisoire, presqu’île de Caen
Photographie : Eugénie Le Bigot (2016)
Cette photographie prise en décembre 2016 sur la presqu’île de Caen montre un camp provisoire de migrants avenue Victor Hugo. Ce lieu de vie est différent de celui de la Figure 2 car, bien que des éléments soient aménagés, il s’agit d’un habitat moins pérenne et surtout, collectif. Il n’y a pas une volonté de se dissimuler mais plutôt d’être à l’écart, tout en étant à proximité de lieux clés comme le centre d’accueil « La Boussole ».
Arbre aux écharpes, place de la République
Photographie : Eugénie Le Bigot (2016)
Cette photographie prise en décembre 2016 place de la République montre une initiative citoyenne consistant en le fait de déposer des écharpes sur des arbres, place de la République et place de la Résistance, afin que les SDF pratiquant ces espaces puissent se servir sans se déplacer ou en faire la demande. Cette initiative a été plutôt bien reçue par les personnes marginalisées et les écharpes ajoutées régulièrement tout au long du mois de décembre.
Illustration des conflits au quartier de la gare
Photographie : Eugénie Le Bigot (2016)
Cette photographie prise en décembre 2016 rue d’Auge montre une banderole indiquant « Le préfet, le maire, La Misère, les Ivrognes, le Bruit, chez vous il y a de la place !!! ». Toujours en place de nos jours, cette banderole à l’entrée du quartier de la gare mise par un particulier montre et entretient la perception négative de ce lieu, liée notamment à la concentration de personnes marginalisées.
Pour citer ce document
Eugénie Le Bigot, 2021 : « Les personnes marginalisées dans les espaces publics », in Atlas Social de Caen [En ligne], ISSN : 2779-654X, mis à jour le : 02/04/2021, URL : https://atlas-social-de-caen.fr:443/index.php?id=629, DOI : en attente.
Autres planches in : Les groupes invisibles
Bibliographie
Domingo J., 1995, Marginalité et exclusions dans l’espace urbain, Reims, Presses universitaires de Reims, 163 p.
Gaboriau P., Terolle D., 2007, SDF : critique du prêt-à-penser, Toulouse, Editions du Privat, 170 p.
Lajeunie C., 2015, Sur la route des invisibles, femmes dans la rue, Michalon, 205 p.
Zeneidi-Henry, D., 2002, Les SDF et la ville, Paris, Ed. Bréal, D’autre part, 288 p.
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Laura PauchardRésumé
Quelle vie mènent les SDF croisés quotidiennement dans les rues de Caen ? Les personnes marginalisées (SDF, « fous », mendiants, etc.) occupent les espaces publics (rues, squares, parcs, etc.) pour gagner leur vie, se nourrir, dormir. La confrontation avec les passants est inévitable. À la fois visibles et invisibles, ils font partie de la vie urbaine.
Annexes (1)
Statistiques de visites
Du au